La mort d'Alphonse est annoncée à plusieurs reprises dans le texte de la
Vénus d'Ille: c'est ce qu'on appelle un effet d'annonce.
C'est souvent Monsieur de Peyrehorade qui annonce, sans s'en rendre compte,
la mort de son fils. Il se montre très maladroit :
- il fait des citations latines
sans faire attention au contexte tragique dans
lesquels ces vers sont situés.
- il semble qu'il cherche à faire
revivre la Vénus, car il veut lui faire des offrandes, et dit qu'il veut
faire revivre un culte abandonné depuis longtemps.
- et il compare souvent la Vénus
à la jeune fiancée… alors que Vénus est une déesse connue pour sa jalousie.
A/ Monsieur de Peyrehorade fait allusion
à des légendes antiques, souvent par des citations.
"Veneris nec praemia noris": "Tu ne connaîtras pas les
faveurs de Vénus."
"Manibus date lilia plenis": "Donnez des lis à pleines
mains."
Ces citations sont extraites de deux passages tragiques de l'Enéide
(poème de Virgile qui annonce la fondation de Rome) ; la première citation
renvoie à Marcellus, l'héritier de l'empereur romain Auguste. Marcellus mourra
alors qu'il n'est encore qu'un jeune homme. L'autre citation se trouve dans
un passage qui raconte les amours de Didon et d'Enée ; Enée quittera Didon,
et Didon en mourra d'amour.
" C'est Vénus toute entière à sa proie attachée "
La pièce de Racine, Phèdre, met en scène Phèdre, qui est une victime
de la colère de Vénus.
Le narrateur et monsieur de Peyrehorade cherchent d'où vient le mot TVRBUL:
"Vénus turbulente ! Vénus la tapageuse ! Vous croyez donc que ma Vénus est
une Vénus de cabaret ?"
Monsieur de Peyrehorade ne veut pas croire que sa Vénus soit méchante et dangereuse
; il préfère s'appuyer sur une étymologie fantaisiste et un faux raisonnement
(Boulternère / turbulnera).
" BVL, c'est Baal. "
Ce faux raisonnement lui fait faire le rapprochement entre la Vénus et Baal,
un dieu carthaginois meurtrier, à qui on faisait des sacrifices humains.
B/ Il cherche à la faire "revivre" la Vénus.
"- Vendredi! s'écria son mari,
c'est le jour de Vénus! Bon jour pour un mariage! Vous le voyez, mon cher
collègue, je ne pense qu'à ma Vénus. D'honneur! c'est à cause d'elle que j'ai
choisi le vendredi. Demain, si vous voulez, avant la noce, nous lui ferons
un petit sacrifice; nous sacrifierons deux palombes, et si je savais où trouver
de l'encens..."
Monsieur de Peyrehorade choisit le vendredi pour marier son fils, car c'est
le jour de Vénus (Vener-di) ; personne, à part lui, ne désire faire de mariage
ce jour-là, car, dans la religion chrétienne, c'est le jour de la mort de
Jésus. Il veut faire un sacrifice à la déesse, comme dans l'antiquité. Les
palombes sont en effet les animaux emblématiques de Vénus.
"… puis disposait des roses du Bengale
sur le piédestal de la statue, et d'un ton tragi-comique lui adressait des
vœux pour le couple qui allait vivre sous son toit."
Il reprend des coutumes abandonnées depuis longtemps.
"Blessé par Vénus, monsieur, dit M.
de Peyrehorade riant d'un gros rire, blessé par Vénus, le maraud se plaint."
"Ma femme, vois-tu ? dit M. de Peyrehorade d'un ton résolu, et tendant vers
sa jambe droite dans un bas de soie chinée, si ma Vénus m'avait cassé cette
jambe-là, je ne la regretterais pas."
D'après Monsieur de Peyrehorade, c'est une faveur, presque un honneur d'être
blessé par Vénus.
C/ Il compare la Vénus et la future mariée
"Pourtant, vous verrez une mariée...
une mariée... vous m'en direz des nouvelles... Mais vous êtes un homme grave
et vous ne regardez plus les femmes. J'ai mieux que cela à vous
montrer. Je vous ferai voir quelque chose!... Je vous réserve une fière surprise
pour demain." "Oui, poursuivit M. de Peyrehorade, il y a deux Vénus
sous mon toit. L'une, je l'ai trouvée dans la terre comme une truffe; l'autre,
descendue des cieux, vient de nous partager sa ceinture. […] Mon fils,
choisis de la Vénus romaine ou de la catalane celle que tu préfères. Le
maraud prend la catalane, et sa part est la meilleure. La romaine est
noire, la catalane est blanche. La romaine est froide, la catalane enflamme
tout ce qui l'approche."
Il met sur le même plan la statue et la jeune fiancée, il les met en rivalité.